Dans le service médical, nous accueillons les patients (enfants et adultes) dont la majorité sont des PVVIH (Patient vivant avec le VIH) et les femmes enceintes suivies en CPN (consultation prénatale). Ils reçoivent des soins médicaux qui sont à notre disposition, mais en cas de besoin nous les transférons ailleurs. Voici un bref résumé de femmes qui sont venues à la consultation.
Madame HARIMANA, âgée de 36 ans, est, comme la majorité des autres femmes, cultivatrice, de même que son époux. Enceinte de sa sixième grossesse avec cinq enfants vivants dont le dernier a 2 ans et 3 mois, elle est dans le programme depuis le mois de juin. D’apparence mal nourrie, elle est malheureusement tombée malade au mois de septembre à 37 semaines de grossesse. J’ai dû lui prescrire des antibiotiques. Comme elle ne se rétablissait pas trop vite, elle a consulté de nouveau dans la localité où elle habite et on l’a hospitalisé en lui donnant de la quinine injectable. Quelques jours après, elle a accouché prématurément. Elle a été transférée dans un hôpital avec couveuse. Arrivé là-bas, il n’y avait pas de place. Alors, elle et son enfant sont retournés à la maison.
Lors des enseignements, le personnel répète à chaque femme qu’elle doit avertir le personnel au moment de l’accouchement ou lors d`un autre problème de santé. Curieusement, l’un des accompagnateurs de la bénéficiaire a donné l’information à l’infirmier du projet dans les premiers moments, mais l’information était fausse: «inda yakorotse», c’est-à-dire qu’elle a avorté et l’infirmier a demandé comment va la mère et il a dit qu’elle va bien.
Au suivi postpartum, une voisine raconte que l’enfant est encore en vie, mais «il faut aider mon amie parce qu’elle a une insuffisance de montée laiteuse, elle ne se porte pas bien».
En tant que médecin, je suis fâchée. J’ai demandé qu’on cherche la mère et l’enfant, en vain, car elles habitent loin. Cette voisine était venue avec sa fille enceinte qui a un retard mental, avec une grossesse conçue à la suite d’un viol. Nous avons servi du lait en poudre à la maman via cette envoyée et nous avons beaucoup insisté en lui disant d’emmener Harimana et son bébé vendredi. Mais quand elle est venue, elle était seule, l’enfant était décédé.
L’ignorance, la pauvreté, le non-accompagnement du mari dans le suivi de la grossesse de la femme et la mauvaise information sont les causes de ce décès. Donc, nous sommes appelés à renforcer la qualité de nos enseignements concernant l’implication du mari dans la CPN de sa femme, comment donner l’information, ainsi de suite.
Clémentine, âgée de 23 ans, est célibataire et enceinte à la suite d’un viol selon elle. Elle marche en position assise, elle est de petite taille et elle est difficile à mesurer, car elle ne se met pas en position debout. Elle pèse 28KG, avec une taille de 110cm. À l’échographie obstétricale, je vois un fœtus vivant et actif. Clémentine n’a pas d’identité qui est l’élément essentiel facilitant le bon accueil dans les hôpitaux publics, mais elle m’a dit qu’on est en train de la chercher. Elle n’a pas reçu le vaccin anti tétanique et, à cela, j’ai collaboré avec l’ambassadrice qui l’a emmené dans le centre pour qu’elle l’aide à se faire vacciner. J’ai aussi commencé à chercher comment prendre en charge correctement cette parturiente.
SABOKUNZA, âgée de 37 ans, a le VIH et se présente avec son époux. Elle se plaint d’un écoulement vaginal, dysphagie (difficulté à avaler), céphalées dans un contexte asthénique (grande faiblesse), les paramètres vitaux et gynécologiques étaient normaux, mais elle ne présentait aucune contraction utérine. Vu son état, j’ai décidé de la transférer au centre médico-chirurgical de Kinindo qui travaille en collaboration avec l’Apecos pour les consultations gynécologiques et les échographies obstétricales. Il était 11 h (ils sont arrivés à cette heure parce qu’ils ont manqué un moyen de déplacement alors qu’ils habitent loin du centre de l’Apecos). Dans l’intervalle d’attente du médecin gynécologue, la mère a accouché d’un bébé de sexe féminin. Le mari est venu chercher le traitement ARV (anti rétroviraux) pour la prophylaxie (prévention) de l’enfant qui venait de naitre.
Ce couple était venu en consultation avec leur petite fille IRISHURA Esta, âgée de 3 ans, malade, présentant une fièvre à 39,8°C. Nous lui avons donné un antipyrétique (tylénol) en urgence et prescrit les bilans qu’on a faits dans l’immédiat. Heureusement que c’était le jour de l’atelier en nutrition et nous avons trouvé de quoi manger pour cette enfant. C’était aussi une chose louable pour le mari d’Alice. Je pense qu’il va sensibiliser les autres maris en voyant comment l’effort que nous fournissons pour leur famille.
Les journées sont longues pour ce médecin de l’Apecos qui se bat continuellement afin de donner un meilleur suivi aux femmes démunies du quartier.
Dre. Viola
N.B. Dre Viola a écrit la chronique sur des bénéficiaires qu’elle voit en consultation. Nous tenons à préciser que les noms des patientes apparaissant dans le texte ont été changés afin d’assurer la confidentialité. De plus, certaines formes d’écriture burundaise ont été gardées afin de conserver la nature du message.
Ce projet est financé par le gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.