Éducation et pandémie en Bolivie: les répercussions du COVID-19 sur l’éducation des enfants

En Bolivie, les écoles ouvrent enfin leurs portes après que les cours virtuels ont exposé leurs limites. 

Par Olivier Lessard 

Alors que le Québec prépare sa rentrée scolaire automnale en présentiel, les élèves de la Bolivie sont retournés en classe le lundi 26 juillet pour la première fois depuis un an et demi. Avant ce retour en classe, l’enseignement était en virtuel depuis mars 2020, mais malheureusement, le gouvernement a finalement annulé la fin de l’année scolaire 2020.1 En effet, normalement, l’école prend fin en novembre et les élèves se retrouvent en congé estival jusqu’en février. Pour 2020, le gouvernement a préféré annuler tous les cours au début du mois d’août, annonçant que les élèves passaient tous et toutes automatiquement à la prochaine année scolaire. 

Entre août 2020 et février 2021, ce sont six mois qui se sont écoulés sans que les élèves assistent à un cours. Quand l’école a repris en février, en mode virtuel, peu de familles avaient accès aux outils nécessaires pour suivre les cours. Seulement 40% de la population bolivienne a accès à internet2; ce chiffre chute à 3% dans les zones rurales. 

À Tarija, la fracture numérique se fait particulièrement sentir dans les zones périurbaines de la ville. 

Verónica Gutiérrez Martínez, la directrice du Centro Forjando Huellas, m’explique que les enfants issus d’une même famille doivent souvent partager un seul appareil électronique. Elle donne l’exemple d’une famille de son voisinage où la mère doit s’occuper de l’éducation de ses 11 enfants avec comme seul appareil, un téléphone intelligent. Souvent, elle n’a pas d’autre choix que d’envoyer ses enfants suivre leurs cours chez des camarades de classe qui ont soit un ordinateur, soit une tablette. 

Le Centro Forjando Huellas est un organisme basé à Tarija qui travaille avec les jeunes en désavantage social, issus des asentamientos – des quartiers informels et précaires souvent sans accès aux services de base. Verónica Gutiérrez Martínez estime que 95% des jeunes qui fréquentent le centre démontrent un retard d’apprentissage. 

Afin de lutter contre l’inaccessibilité à l’internet, l’AMIE, grâce au projet QSF triennal qui a débuté en 2020 en collaboration avec le partenaire Winay, a permis à 40 familles boliviennes de la région rurale de Sucre d’avoir accès à l’Internet afin que les enfants et les jeunes puissent accéder aux cours en ligne. 

Un problème régional 

La situation de la Bolivie reflète un phénomène régional : entre mars 2020 et février 2021, les élèves de l’Amérique Latine et des Caraïbes ont perdu 158 jours d’école en classe, contre 95 jours pour le reste du monde3. Selon les données de la Banque Mondiale, la pauvreté des apprentissages, soit la proportion d’enfants de 10 ans incapables de lire et de comprendre un texte simple, pourrait passer de 51% à 62,5% après la pandémie4

Dans cette région durement touchée par la pandémie, où seulement 43% des écoles primaires ont accès à internet à des fins pédagogiques5, la pandémie de la COVID-19 pourrait laisser des séquelles à une génération entière. 

L’école, un havre de sécurité 

« Pour les jeunes des asentamientos de Tarija, l’éducation représente une chance d’améliorer leur qualité de vie », affirme Veronica.

L’école est également un moyen d’éviter que les jeunes se retrouvent dans la rue, car par faute de meilleurs moyens pour occuper leur temps, les jeunes sont exposés aux dangers de la rue : la violence, la drogue, l’exploitation, etc.. 

Le Centro Forjando Huellas a justement été créé dans l’objectif d’offrir aux jeunes du quartier un endroit sûr pour étudier et jouer. Celui-ci se retrouve néanmoins fermé depuis le début de la pandémie et a dû limiter ses activités à l’aide aux devoirs en ligne. 

Sans école ni endroit où aller, Veronica explique que beaucoup d’enfants qui fréquentent le centre sont maintenant contraints d’aider leurs parents dans leur travail. Alors que les deux dernières décennies ont été marquées par une baisse du travail des enfants à travers le monde, la pandémie a renversé la tendance lors de la dernière année6. Depuis le début de la pandémie, ce sont au moins 326 000 enfants supplémentaires en Amérique Latine et dans les Caraïbes qui seraient soumis à une forme de travail selon l’Organisation internationale du travail7

Avec l’ouverture des classes et la fin des mesures sanitaires, le centre prévoit ouvrir ses locaux d’ici septembre. Le souhait de Veronica est de pouvoir bonifier ses activités d’aide psychoéducatif et psychologique afin de rattraper les retards provoqués par la pandémie. 

Les jeunes du Centro Forjando Huellas.

L’AMIE est fière d’appuyer le Centro Forjando Huellas. Encourager L’AMIE, c’est également aider nos partenaires locaux à renforcer leurs capacités et à mener à bien leurs activités. 

-30-

Olivier Lessard est actuellement stagiaire auprès de L’AMIE dans le cadre du programme de stages internationaux pour la jeunesse (PSIJ). Son mandat est d’appuyer le Centro Forjando Huellas dans ses communications et dans la rédaction de ses projets.

Sources:

1 Ryan Dube, « Bolivia Decision to Cancel School Because of Covid-19 Upsets Parents », Wall Street Journal, section World, 4 août 2020.

2 « Virtual schooling in pandemic sharpens divide for Bolivia’s poor », Reuters, section Emerging Markets, 2 septembre 2020. 

3UNICEF, Latin America and the Caribbean is home to 3 out of 5 children who lost an entire school year worldwide, en ligne, 

<https://www.unicef.org/lac/en/press-releases/latin-america-and-caribbean-is-home-of-3-out-5-children-wh o-lost-an-entire-school-year-in-the-world>, consulté le 12 juillet 2021.

4 « Report on Education Crisis in Latin America and the Caribbean », World Bank, en ligne, <https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2021/03/17/hacer-frente-a-la-crisis-educativa-en-ameri ca-latina-y-el-caribe>, consulté le 9 août 2021. 

5Ibid

6 Jean Gough Pinheiro Vinícius, « Una de las caras más feas de la pandemia: el trabajo infantil », EL PAÍS, 2021, en ligne, 

<https://elpais.com/planeta-futuro/2021-06-21/una-de-las-caras-mas-feas-de-la-pandemia-el-trabajo-infantil .html>, consulté le 9 août 2021. 

7Ibid


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