Les Boliviens et Boliviennes doivent s’adapter aux pénuries d’eau causées par les changements climatiques.
Par Julie St-Pierre-Gaudreault
Que veut-on dire lorsqu’on parle de justice climatique ?
La justice climatique, ce n’est pas seulement de laisser aux générations futures une planète en bon état. Certes, cet enjeu est tout aussi important, cependant, lorsqu’on parle de justice climatique, on s’intéresse plus particulièrement aux effets sociaux, économiques et politiques de la crise climatique, qui par ailleurs, affecte différemment les individus[1]. En effet, dépendamment de la région géographique dans laquelle on se retrouve, les effets néfastes du réchauffement planétaire nous affecte différemment. Par exemple, certains pays du Sud, par manque de moyens éprouvent plus de difficultés à affronter les impacts de la crise climatique[2]. Cette crise se fait d’autant plus ressentir dans les communautés les plus marginalisées et pauvres, on parle notamment des communautés autochtones ainsi que des femmes et des enfants dans les pays du Sud.
À la suite de mon stage PSIJ avec l’organisation Sumaj Punchay en Bolivie, j’ai pu constater, et ce même à distance, les effets néfastes des changements climatiques sur des populations entières.
Karina León Delgadillo, directrice de Sumaj Punchay, m’explique que l’enjeu le plus frappant actuellement, mis à part une certaine crise sanitaire que l’on ne nommera pas, est « assurément le manque d’eau et l’instabilité des précipitations dans les régions de l’Altiplano ». En effet, « auparavant, plusieurs communautés rurales vivaient de l’agriculture et pouvaient compter sur des précipitations abondantes et les réserves provenant des glaciers de la cordillère des Andes afin d’être approvisionnées en eau » me dit-elle. Or, elle affirme que depuis les dernières décennies les précipitations se font de plus en plus rares. De plus, certains glaciers, comme le glacier Tuni, ont pratiquement disparu…
Ainsi, ces deux phénomènes représentent non seulement une menace pour l’irrigation des régions avoisinantes, mais aussi un frein important au développement économique et social en plus d’engendrer de graves conséquences sur la sécurité alimentaire des populations.
Conditions rurales difficiles et Migration
Comme il devient difficile pour les Boliviens et Boliviennes vivant dans les régions rurales de subvenir à leurs besoins, plusieurs familles migrent vers les grandes villes comme La Paz, El Alto ou Sucre. Or, la croissance démographique incontrôlée dans ces zones urbaines provoque une augmentation de la demande en eau. Ces nombreuses migrations dans les villes, et la vitesse à laquelle elles se produisent, ne permettent pas aux gouvernements d’adapter adéquatement l’urbanisme, ni d’installer des infrastructures de services publics suffisantes. Cette problématique engendre notamment une mauvaise gestion des eaux usées, l’augmentation des déchets plastiques dans l’environnement et la pollution des cours d’eau restants[3]. La Bolivie, que ce soit en région ou en ville, est donc prisonnière d’un cercle vicieux sans précédent.
Prendre en considération les femmes et les effets des changements climatiques sur leurs conditions de vie
Il est indispensable de mentionner les effets néfastes de cette crise de l’eau et des changements climatiques, sur les populations les plus vulnérables, et plus particulièrement sur les conditions des femmes et des filles boliviennes. Cela s’explique par leur rôle social dans certaines communautés, qui consiste à s’occuper des enfants et des tâches domestiques. Sans eau, les femmes doivent marcher des kilomètres pour trouver une source[4]. Les effets des changements climatiques vont donc entraîner des conséquences négatives sur leur santé, leurs droits à l’égalité et à la sécurité et leur situation économique, sans mentionner l’augmentation du risque de violence et d’agressions sexuelles pendant leurs déplacements[5].
Comment exiger la justice climatique et encourager le changement ?
Où voulais-je en venir avec la justice climatique ? La justice climatique nous permet de nous questionner quant à nos privilèges et à notre système international imprégné du colonialisme et du capitalisme. Cela nous fait aussi prendre conscience que nous ne sommes pas tous et toutes exposé.e.s de la même manière aux effets de cette crise planétaire, en raison de l’endroit où nous vivons, notre sexe, le genre auquel on s’identifie, notre âge ou nos moyens financiers. Ce qui est le plus déconcertant, c’est qu’au Nord, nous avons une responsabilité historique, puisque nous polluons depuis plus longtemps et nous émettons plus de GES (Gaz à effet de serre) par personne que dans certains pays du Sud, qui eux vivent les effets de ces changements climatiques beaucoup plus brutalement[6].
Demander la justice climatique, c’est exiger à ce que les gouvernements et les multinationales respectent leurs engagements et prennent des mesures supplémentaires pour que les effets des changements climatiques ne reposent pas uniquement sur les populations les plus vulnérables. On doit réclamer une responsabilité commune, mais différenciée pour chaque pays et notamment soutenir le leadership des communautés et des individus les plus touchés, soit les femmes et les communautés autochtones, en matière d’adaptation aux changements climatiques.
Et bien sûr, on doit soutenir et participer à des projets innovants qui permettent d’améliorer les conditions des communautés les plus touchées, qui leur permettent d’être plus résilientes face aux crises, et qui favorisent un développement durable, respectueux de la nature et des groupes les plus marginalisés.

Pour ma part, c’est grâce à mon stage avec l’ONG Sumaj Punchay, qui vise à soutenir les populations marginales et vulnérables dans les départements de Chuquisaca et Potosí en Bolivie, que j’en ai appris plus sur les effets désastreux qu’ont les changements climatiques sur la vie des populations rurales et urbaines. C’est aussi par ma participation à ce stage que j’ai compris la pertinence que peuvent avoir les projets de développement mis en place grâce aux ONG et aux ressources locales. Les projets de Sumaj Punchay encouragent le renforcement des capacités des populations et touchent les secteurs de l’environnement, de la sécurité et la souveraineté alimentaire, ainsi que le développement d’activités génératrices de revenus et le développement local.


À droite, nous avons la construction d’un bassin de distribution d’eau/ Crédit photos: ONG Sumaj Punchay
En bref, si on veut réellement s’attaquer aux inégalités qu’entrainent les changements climatiques, on se doit d’exiger une justice climatique en plus de sensibiliser notre entourage à ce sujet. On peut d’ailleurs apporter notre soutien par différents moyens, par exemple, en s’impliquant directement ou indirectement dans la réalisation de projets ou en appuyant des initiatives audacieuses, autant pour les communautés les plus vulnérables au Nord, qu’au Sud. On peut aussi simplement partager l’information et s’informer davantage sur les réalités vécues dans les autres pays et les impacts de nos actions, parce que ce n’est pas parce qu’on ne les ressent pas que les changements climatiques ne se produisent pas !
Sumaj Punchay : https://sumajpunchay.org.bo/

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Julie St-Pierre-Gaudreault, stagiaire PSIJ (Programme des stages internationaux pour les jeunes), occupant le poste d’agente en gestion de projets internationaux chez Sumaj Punchay, Bolivie. Étudiante à la maîtrise Mondialisation et développement international, spécialisation en études féministes et de genre.
[1] UNESCO. (2019). Climat et justice sociale. Climat et justice sociale (unesco.org)
[2] Buitekant. E. (2021). Le classement 2021 des pays les plus menacés par le changement climatique, https://www.geo.fr/environnement/le-palmares-2021-des-pays-les-plus-menaces-par-le-changement-climatique-203518
[3] Villedieu. Y, ( animateur), ( 2019, 9 novembre ). épisode d’un balado audio. Dans Radio-Canada, OHdio : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/samedi-et-rien-d-autre/segments/chronique/141512/lac-titicaca-pollution-perou-bolivie-yanick-villedieu
[4] OXFAM, (2021).Comment les femmes rurales font face au changement climatique en Amérique latine et aux Caraïbes.https://www.oxfam.org/fr/comment-les-femmes-rurales-font-face-au-changement-climatique-en-amerique-latine-et-aux-caraibes
[5] Association québécoise des organisations de coopération internationale ( AQOCI) ( 2021). Pour une justice climatique féministe, https://aqoci.qc.ca/pour-une-justice-climatique-feministe/
[6] Notre planète, (2015), Changement climatique : responsabilités par pays, https://www.notre-planete.info/terre/climatologie_meteo/changement-climatique-responsabilites-pays.php