Se développer autrement

Par Vanessa Irakiza (Stagiaire PSIJ, été 2022)

En lisant la description du mandat de stage virtuel en gestion d’organisme et financement auprès d’une organisation à Madagascar, je ne m’attendais pas à découvrir une vision du développement durable qui me rejoint autant dans mes valeurs de justice sociale que dans celles que portent le SPV Felana, l’organisation malgache dans laquelle j’ai eu la chance de faire un stage PSJI (Programme des stages internationaux pour les jeunes) avec l’AMIE-Aide internationale à l’enfance.

Le SPV Felana est un organisme qui a pour objectif d’améliorer les conditions de vie des personnes qui vivent à Antsirabe. Le projet phare de l’association est Unis-Vert-Cité. Ce projet vise la mise en place d’un écovillage qui s’inscrit dans des valeurs: écologique, solidaire et d’autonomie[1]. Il ne s’agit pas seulement de mettre en œuvre des projets environnementaux et écologiques, mais plutôt d’épouser une vision de la justice environnementale qui intègre aussi le développement communautaire durable juste pour toutes et tous. Ainsi, le SPV Felana est autant impliqué dans des projets de gestion des déchets de manière durable que dans des projets d’accès à l’éducation, à des soins, à des infrastructures collectives, etc.

Image tirée du site internet du SPV FELANA : https://www.spv-felana.org/index.php

Mon travail cet été consistait à chercher des opportunités de financement pour le SPV Felana. Après des semaines à lire des appels de projets provenant d’organisations internationales, de structures de coopération nationale, de fondations philanthropiques très majoritairement basées dans les pays du Nord et qui s’inscrivent souvent dans des politiques nationales d’aide au développement, j’ai été amenée à me questionner sur la difficulté d’accès à du financement, viable et à long terme, pour des organisations locales des pays du Sud. J’ai par exemple été surprise par la charge administrative importante exigée par les différentes structures de financement. Malgré l’ouverture à recevoir des projets provenant d’organisations de la société civile locale des pays du Sud,  je me suis tout de même demandée si ces appels ont été réellement conçus pour répondre aux besoins et aux moyens des organisations locales agissant à l’échelle communautaire.

Selon Courlet et Judet[2], pendant plusieurs décennies, deux visions sur le phénomène du sous-développement des pays du Sud  s’opposaient. La première vision explique le sous-développement par le retard des pays « tiers-mondistes » dans leur insertion dans l’économie capitaliste. Pour les tenant.e.s de la seconde vision, le sous-développement des pays « tiers-mondistes » s’explique plutôt par l’exploitation des pays du Sud par les pays du Nord.

Des organisations qui souscrivent à la première vision du sous-développement auront tendance à penser le développement comme devant suivre la trajectoire (néo)libérale, technocratique, capitaliste et individualiste qu’ont adoptée, notamment, certains pays du Nord. Or, cette vision n’est pas toujours compatible avec la protection de l’environnement ou même avec les besoins et les moyens des organisations locales de petite ou moyenne taille. Selon moi, ces organisations sont pourtant souvent les mieux placées pour porter des projets qui ont un réel impact positif dans leur communauté.

La seconde vision du sous-développement nous pousse plutôt à penser les rapports de pouvoir entre les pays du Sud et les pays du Nord . Pendant des siècles et encore aujourd’hui, les pays du Nord  ont profité de l’exploitation des ressources naturelles et humaines des pays du Sud  pour se développer. En épousant cette vision, on est amené à repenser ce qu’on nomme « aide au développement ». Plutôt qu’une forme de charité, cette « aide » n’est-elle pas une partie de la dette historique que les pays du Nord  ont envers les pays du Sud pour les siècles d’exploitation? Si on pense en termes de dette, n’est-ce pas aux créancier.ère.s de dicter les règles de remboursement plutôt qu’aux débiteur.trice.s?

Bref, tous ces questionnements surgissent parce que le stage m’a permis de constater des lacunes dans les structures de financement souvent basées dans les pays du Nord. Repenser ces structures de financement pour permettre un accès direct à du financement conçu et adapté à des organisations locales et communautaires des pays du Sud nous permettrait peut-être de découvrir d’autres trajectoires de développement qui sont plus durables.


[1] https://www.spv-felana.org/ecovillage.php

[2] Courlet Claude, Judet Pierre. Industrialisation et développement : la crise des paradigmes. In: Tiers-Monde, tome 27, n°107, 1986. La nouvelle industrialisation du Tiers Monde. pp. 519-536; doi : https://doi.org/10.3406/tiers.1986.4394

Le programme des stages internationaux pour les jeunes (PSIJ) est financé par Le développement international du Canada – Affaires mondiales Canada.

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